Ce texte est un extrait d’un échange ayant eu lieu en mars 2000 dans la librairie Seven Stars à Cambridge, Massachusetts, ville dont John E. Mack était originaire. Il était venu parler de son livre Passeport pour le Cosmos: Transformation Humaine et Rencontres Extraterrestres. On retrouve quelques instants de cette discussion dans le film documentaire Touched. Edité par Will Bueché, ce texte intègre également des éléments tirés d’une interview réalisee par Karen Wesolowski.--------------------------------------------------------------------------------
On me demande toujours : “pourquoi avez vous écrit ce livre alors que vous avez déjà publié Abduction ?” Combien de fois un professeur d’Harvard peut-il perdre sa respectabilité or virginité dans le microcosme intellectuel ? On ne peut pas faire deux fois son coming out donc pourquoi ce livre ? en quoi est il différent ?
La raison de ce livre est de tenter de sortir du débat qui consiste à se demander si les Ovnis et les enlèvements sont réels ou non. Je dois vous avouer que ce débat m’ennuie. C’est définitivement réel, et si vous voulez décortiquer ce que “réel” signifie faisons-le. Cela est-il matériellement réel ou pas, ou cela vient il d’un autre endroit puis se matérialise — j’adore ces discussions ontologiques compliquées — cela n’est au fond pas le plus important. La question essentielle, pour moi, est “que signifie tout cela pour nous ?”, le fait que des gens sains d’esprits, des centaines de milliers si ce n’est des millions à travers le monde, pas seulement en occident mais aussi sur d’autres continents et chez les populations indigènes, vivent ce qu’il semble bien être des contacts authentiques et incontestables avec des sortes d’entités qui entrent apparemment dans notre monde physique et communiquent avec nous sur ce que nous sommes, et semblent être en connexion avec nous de quelque façon que ce soit.
La genèse de ce livre a commencé quand j’ai été invité par Mu Soeng et Catherine Diehl au Barre Center for Buddhist Studies pour passer un eu de temps seul dans une petite maison avec l’ensemble de mes notes et transcriptions. J’ai pris tous mes cartons contenant les comptes rendus d’interviews (avec des patients prétendant avoir été enlevés, NDT) et je les ai triées jour après jour, afin de voir quelles idées et quels thèmes pouvaient émerger de tout cela.
J’ai commencé par être frappé par l’importance de la dimension environnementale, la communication permanente autour du danger planétaire qui provenait de cette source exotique. Bernardo Peixoto, un chamans né au nord du Brésil, un des trois membres des cultures indigènes dont je parle en détail dans le livre, me dit que les Ikuyas – nom donné par son peuple à des entités apparemment similaires à ceux que les occidentaux appellent les Gris – se manifestent aujourd’hui “car ils ont conscience que nous les humains nous nous détruisons, et ils nous aiment et ne veulent pas voir cela arriver”. Ils tentent de nous influencer d’après lui en nous apportant compréhension et la connaissance de notre lien commun et envers la Terre, façon de nous rappeler que “nous sommes seulement un partie d’un grand, grand ensemble”.
Les expériences rapportées dans ce livre prouvent clairement que le phénomène des rencontres rapprochées ouvre les gens à une conscience du Soi, avec un S majuscule, qui va bien au delà d’une quelconque identification ethnique ou nationale, d’une dimension plus large d’être un enfant du Divin, ou de l’Esprit, un enfant du Cosmos. C’est donc en un sens une expérience qui fait passer les gens d’une identité nationale à une identité collective, plus globale.
Quand on ouvre son Moi profond au delà du monde matériel, à l’ensemble de l’univers au delà de la planète, cela initie au sacré. Les gens s’ouvrent au sens du divin, en étant en unité avec l’ensemble de ce qui existe – ce que l’on appelle communément Dieu. Et quand cela se produit, tout devient une partie du tout, tout devient une part du divin, de Dieu. Tout ce que l’on fait, tout ce que l’on voit, tout objet matériel ou immatériel, tout ce que l’on est amené à rencontrer devient une part de cet univers sacré.
Beaucoup de choses que nous faisons, en terme de destruction de mass, notamment par rapport à la Terre, devient impossible à soutenir du point de vue de ce type de conscience. La vue d’un bulldozer devient intolérable, de même que la vision d’un cours d’eau pollué.
De la même façon, dans la manière dont les humains se traitent les uns les autres, cela rend le concept de pseudo-speciation d’Erik Erikson d’autant plus puissante. Pseudo-speciation signifie la façon dont on traite les autres, les gens en général mais aussi les autres groupes nationaux ou ethniques comme s’ils appartenaient à une autre espèce, plutôt que comme membres d’une même espèce ou famille humaine. Il parlait des êtres humains, du besoin de changer pour une nouvelle identité humaine.
Les expériences d’enlèvements par des ET (alien abductions dans le texte, NDT) elles mêmes sont souvent assez effrayantes au départ. Cependant avec le temps de nombreux enlevés développent un lien intime avec un ou plusieurs de ces êtres. Les gens deviennent connectés en profondeur avec ces entités. Ils ont des expériences concrètes qui sont aussi fortes — parfois plus — que les relations développées ici bas. Ils ne les voient pas seulement comme des créatures avec de grands yeux qui seraient froides, indifférentes et calculatrices, mais les liens tissés avec ces étranges entités ont souvent une dimension intense, transcendante, spirituelle et parfois même érotique.
Quand les patients commencent une telle rencontre, ils commencent à trembler sur le divan. Ils sont en sueur. Ils pleurent. Ils hurlent comme si les entités étaient présentent, “vous ne pouvez pas me faire cela, c’est affreux”. L’aspect relatif à la transformation intérieure, transcendant, le coté sympa “connecté à la Terre” vient après, comme si l’esprit devait traverser une sorte de nuit obscure, telle une initiation, quelle que soit la façon dont on l’appelle. En tant que clinicien, mon rôle est d’écouter la personne décrire son expérience, et simplement rester dans mon rôle d’empathie. Il se peut que je dise que je suis désolé d’entendre sa douleur et que j’ajoute : “dites moi en plus, qu’arrive t-il ensuite ?”. Mais je ne dis pas : “oh ces aliens sont vraiment des vilains, ce n’est vraiment pas bien ce qu’ils vous ont fait…” car cela mettrait le patient en situation de victime, mentalement parlant.
Les personnes qui font ces expériences changent. Elles évoluent, grandissent. Se transforment. Elles deviennent conscientes par rapport à la planète. C’est la raison pour laquelle je cherche à les faire entendre, car ils prennent avec passion leur mission au service de la Terre.
Je pense que le point le plus important ici est que quelque chose nous ouvre à nous mêmes en terme de conscience personnelle, d’identification à autrui avec un niveau de conscience plus cosmique, ce qui nous ouvrira au sens du divin et à un respect pour la vie, la nature. Ce genre de changement de niveau de conscience est la seule chose, je pense, qui pourrait potentiellement stopper la spirale infernale de destruction qui est en cours ici bas.
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References: Erikson, Erik H. 1974. Dimensions of a New Identity. New York: Norton.
Mack, John E. 1999. Passport to the Cosmos: Human Transformation and Alien Encounters. New York: Crown Publishers.
John E. Mack, M.D. was a Pulitzer Prize-winning author and professor of psychiatry at Harvard Medical School.
© 2000 John E. Mack, M.D.
Traduction par Ludovic
This article was first published on Dr. Mack’s website and was also published in the California publication The New Times, November 2000, pp. 7, 14.